La maternité, une aventure extraordinaire...


J'ai consacré de nombreuses années à tenter de mieux comprendre le passage de la naissance. J'ai préparé et accompagné de nombreux couples pour la naissance de leur enfant.
Peu à peu, j'ai élargi ma réflexion au vécu des femmes au cours de leurs différents passages: puberté, âge adulte, maternité, ménopause. Il est très intéressant pour les femmes de mieux comprendre ces passages de vie transformateurs et la puissance des hormones qui interagissent au cours des cycles.

Il y a eu la naissance du Centre Pleine Lune il y a déjà plus de 5 ans puis l'émergence tranquille de Ô Féminin, espace de rencontre avec la force du Féminin.

Isabelle Challut






mardi 28 décembre 2010

La naissance de Jules

Je vous partage le témoignage d'une mère qui m'a envoyé ce texte il y a quelques mois déjà. Son histoire illustre bien la situation si souvent vécue en salle de naissance. Voilà pourquoi l'Accompagnement des femmes qui accouchent est si important.

«Il y a deux semaines j’ai eu la plus belle des nouvelles. J’aurai la chance de donner la vie pour une deuxième fois. Un être à part entière, avec sa propre  histoire à venir, prendra tranquillement forme à la source même de mon ventre. J’ai déjà des sursauts d’attendrissement en pensant à lui.

Cette nouvelle m’oblige à repenser à mon dernier accouchement. Sans dramatiser ce qui s’est passé ou à envisager les évènements comme un échec. Je dois admettre que j’ai l’impression d’avoir subi cet accouchement sans avoir pu y mettre du mien, sans avoir laissé mon corps de femme s’ouvrir pour accueillir Jules dans mes bras de mère. J’ai été incrédule à l’arrivée de Jules. Sans l’avoir vu sortir de moi, sans avoir constaté que je donnais naissance à mon bébé, j’avais beaucoup de difficulté à valider mon statut de mère. On m’a apporté un magnifique poupon nettoyé, enveloppé dans une couverture qui n’avait pas tout à fait l’odeur de la naissance. Je n’étais pas convaincue!

J’ai longtemps ri dans ma barbe de voir ma mère parler de son premier accouchement, il y a 32 ans, avec le même degré d’émotion qu’un évènement qui se serait passé la veille. Elle en veut encore au médecin de l’avoir brusquée et endormie. Or, maintenant, je ne ris plus, je comprends. Je comprends la signification d’un accouchement, de sa résonance pour notre identité de femme. Pour la confiance qu’il  peut nous apporter pour revêtir notre nouvel habit de maman. Et j’arrive un peu plus à  saisir le stress, la perplexité et l’impuissance que j’ai vécus pendant le mien.

J’ai crevé mes eaux à 23:00 dans la joie! J’allais mettre notre enfant au monde. Nous allions l’accueillir dans notre vie et prendre soin de lui. Or, la douleur m’a vite ramenée à la réalité de l’accouchement. Des contractions, ça fait mal! C’est comme des chocs électriques qui  traversent le corps sans ménagement. J’arrivais tout de même à apprivoiser la douleur. Mais je ne ressentais pas de support de mon entourage. L’unité de naissance était débordée, j’ai été accueillie poliment mais sans sourire, sans chaleur particulière, de la même manière qu’on accueille une patiente pour des pierres au rein. Certes, je ne suis pas extraordinaire parce que j’accouche et je ne veux pas de traitement de faveur mais un sourire complice m’indiquant que l’on reconnaît que ce qui m’arrive est à la fois un évènement inconnu et charnière dans ma vie de femme.

Les deux salles de naissance étant occupées,  on m’attribue une chambre dénudée où j’ai froid. L’infirmière ne me parle pas ou très peu. Elle ne me sourit pas, elle ne semble pas être heureuse d’être avec moi et de m’aider à mettre au monde mon fils. D’ailleurs elle ne m’aide pas, elle applique un protocole.

Malgré cette déception peut-être un peu naïve, j’ai essayé de me concentrer et de bien vivre les contractions. Pierre était à mes côtés, il marchait avec moi, je m’accrochais à son cou pour reproduire les positions qu’on m’avait montrées pendant les cours prénataux.  Après un certain temps, j’ai eu enfin accès à un bain tourbillon dans une salle de naissance. 
Je me suis réfugiée dans le bain. La pièce était sombre et feutrée, je me concentrais sur les contractions et je visualisais mon bébé. Ce fut la plus belle partie de mon travail. Par contre, j’aurais aimé avoir une femme ayant déjà accouché à mes côtés pour me rassurer, m’accompagner. Alors que j’étais dans le bain, j’ai entendu la femme dans l’autre pièce avoir son enfant, le médecin l’encourager et les premiers cris du bébé. Ce moment fut émouvant: elle avait donné la vie et dans quelques heures, comme elle, j’entendrai les cris de mon fils!

Je ne sais pas combien d’heures je suis restée dans le bain mais j’y étais bien. Or, je sentais que Pierre voulait que je sorte, l’infirmière m’y encourageait également. Je suis sortie malgré l’inconfort du froid et de la salle de naissance trop éclairée. On a vérifié mon col et je n’étais dilatée qu’à trois centimètres malgré la nuit de travail! Déception, fatigue, inconfort, douleur… Je croyais que l’accouchement progressait avec une dilatation continue mais finalement toutes les contractions vécues jusqu’à maintenant l’avaient été pour presque rien... J’étais terriblement fatiguée et découragée. J’avais besoin qu’on m’aide, qu’on me guide, qu’on m’encourage à trouver une façon de retrouver ma concentration.

J’aurais dû me relever, bouger pour reprendre le contrôle de la situation où retourner dans le bain et son confort. Mais on m’a proposé l’épidurale et ma fatigue, mon désarroi devant la douleur, m’ont donné le goût d’accepter. À partir de là, je ne voulais plus avoir mal. 
L’épidurale n’a pas bien fonctionné. J’avais mal, mes jambes étaient prises de secousses, j’avais froid  et je ne pouvais plus bouger. Ma concentration n’allait plus au bébé à naître mais à l’anesthésiste qui ne revenait pas. J’étais stressée.  Finalement il est revenu, m’a injecté une nouvelle dose d’anesthésiant qui m’a soulagée rapidement. 
Or, une ou deux minutes plus tard, le rythme cardiaque de Jules, qui était sous moniteur, a ralenti dramatiquement. J’étais terriblement inquiète et perdue; j’avais peur. L’infirmière semblait paniquée et criait pour qu’un médecin vienne. Dr X. a examiné rapidement mon col et, avec une main sur mon épaule et une voix douce, il m’a annoncé qu’il valait mieux sortir mon bébé de là. Après ça, rien ne m’appartenait plus: ils m'ont endormie pour une césarienne.

C’est drôle, maintenant que j’y pense, des cinq personnes qui m’ont entourée durant mon travail, il n’y avait aucune femme qui avait l’expérience de l’accouchement. Mon conjoint, deux médecins hommes et une femme sans enfant. 

Je repense à cet accouchement et me demande comment les choses auraient évoluées si j’avais retrouvé confiance et un peu de concentration lorsque j’en avais besoin. Est-ce que j’aurais vu Jules naître? Est-ce que je l’aurais tenu dans mes bras encore tout chaud de mon ventre? Est que j’aurais entendu ses premiers cris? Perçu ses premiers mouvements?

Je suis la première responsable du déroulement de cet accouchement. J’aurais dû rester concentrée et être à l’écoute de mon confort. Ne pas me sentir découragée par mon trois centimètres de dilatation et ne pas accepter la pression... Mais voilà, j’ai fait ce que j’ai pu avec le support que j’ai reçu. Et Jules est un p’tit bonhomme magnifique et heureux.

Malgré tout j’aimerais me donner tous les moyens pour avoir un deuxième accouchement serein. J’aimerais avoir l’impression d’être la femme qui accouche et qui décide pour moi-même.  J’aimerais accueillir mon enfant. »

Merci Catherine. 

1 commentaire:

  1. Je comprend TELLEMENT, j'ai été accompagné par Isabelle a mon deuxième accouchement et je dois dire que c'est le plus beau cadeau que je me suis fait. Mon premier accouchement m'avais laisser un gout amer tandis qu'a celui ci, j'ai l'impression de l'avoir vraiment vécu. On devrais tous avoir quelqu'un d'expérience a nos cotés pour bien vivre ce moment tellement intense!

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