La maternité, une aventure extraordinaire...


J'ai consacré de nombreuses années à tenter de mieux comprendre le passage de la naissance. J'ai préparé et accompagné de nombreux couples pour la naissance de leur enfant.
Peu à peu, j'ai élargi ma réflexion au vécu des femmes au cours de leurs différents passages: puberté, âge adulte, maternité, ménopause. Il est très intéressant pour les femmes de mieux comprendre ces passages de vie transformateurs et la puissance des hormones qui interagissent au cours des cycles.

Il y a eu la naissance du Centre Pleine Lune il y a déjà plus de 5 ans puis l'émergence tranquille de Ô Féminin, espace de rencontre avec la force du Féminin.

Isabelle Challut






dimanche 12 décembre 2010

MON AVAC

Lundi 13 décembre, nous allons assister à la pièce «Naissance» à l'espace Go à Montréal; cette soirée est au profit de avac-info. Karen Brody a écrit cette pièce en 2004. Elle nous emmène dans l'intimité de huit femmes qui vont nous raconter leur parcours de grossesse et d'accouchement. Différents vécus, différentes histoires, parfois belles, parfois souffrantes. Un débat suivra la représentation avec une sage femme, une accompagnante et des médecins.
Une soirée importante, avec une supplémentaire mardi le 14 décembre. 
Ces témoignages de femmes sont nécessaires dans une société où le pouvoir médical est tout puissant et le vécu des femmes minimisé. Les interventions sont encore trop banalisées et justifiées par la sacro-sainte sécurité.
Je répète qu'aucune étude n'a pu prouver que l'accouchement en milieu hospitalier offre plus de sécurité que l'accouchement accompagné par une sage femme à domicile ou en maison de naissance. La remise en question de certains actes médicaux faits de façon routinière et de leurs conséquences possibles doit avoir lieu. J'espère que des programmes comme AMPRO (2) vont réellement permettre le partage des connaissances entre médecins, sages femmes  et autres professionnels.
Encore trop souvent, on continue de nuire aux accouchements, de déposséder les femmes de leur pouvoir et de leurs capacités en leur faisant peur et en choisissant pour elles. 
Je fais partie de celles qui se sont tenues debout mais qui ont payé un prix assez cher pour cela. J'ai voulu un Avac (1) au plus profond de mes tripes il y a déjà presque 15 ans...instinctivement, il était hors de question que l'on me fasse une césarienne simplement parce que j'avais déjà eu une césarienne, huit ans plus tôt. Je voulais sentir mon bébé passer, j'avais besoin de l'accompagner, de vivre dans mon corps ce passage vers la vie. 
Je n'imaginais pas que ce serait un parcours de combattante... 
Nous nous installions dans les Antilles et j'étais à 20 semaines de grossesse, certaine que, dans ce lieu au coeur de la nature, je pourrais accoucher naturellement; plus je rencontrais des médecins, plus je les questionnais et moins ils me répondaient. Ils me traitaient avec un air compatissant et me disaient: 
«Arrêtez de vous tracasser, on va faire ce qui est le mieux pour vous». Mais AUCUN ne répondait clairement à ma question : «puis je accoucher naturellement?». Jamais. Ils  m'ont infantilisée. Ils m'ont fait peur. Eux avaient peur que j'accouche seule et m'appelaient à la maison pour me parler des risques de l'Avac. Ils ont aussi fait des pressions sur la sage femme que je voyais pour me préparer. Et elle a fini par refuser de me voir, inquiète des conséquences possibles pour elle et son bureau.
Je cherchais désespérément de l'aide pour accoucher naturellement et toutes les portes se refermaient. Personne ne comprenait ce besoin viscéral de donner naissance à mon enfant. Personne n'a cherché à comprendre. 
Soit je cédais à la panique et suivais le courant, soit j'allais au  bout de ma confiance.
Comment expliquer à des médecins et infirmières cette force que je sentais, cette formidable confiance en mes capacités d'accoucher avec un bébé qui allait très bien et un corps en pleine santé?
Je me promenais entre le doute et la confiance. Entre la peur et la confiance. 
Et je choisis finalement la confiance, soutenue inconditionnellement par mon conjoint. Bien sûr, on m'a traitée de folle inconsciente... Je n'avais pas d'arguments scientifiques à amener et je pouvais juste transmettre ce que je sentais au plus profond de moi, notamment ce lien, cette connexion très forte avec mon enfant. 

Et j'ai la conviction que ce terrain de confiance a un impact sur le déroulement d'une naissance. 
Cet accouchement a été une initiation et une révélation de ce qu'est la naissance d'un enfant. Je sentais mon bébé à tous moments, je savais quoi faire et surtout je réalisais mon rôle de femme dans l'accouchement: me détendre, ouvrir, respirer et surtout accompagner.
J'ai tout de même flanché au moment où beaucoup de femmes doutent et ont besoin d'être rassurées, juste avant les poussées, juste avant la séparation d'avec l'enfant. Nous avons alors appelé un médecin qui n'avait jamais vu une femme accoucher debout et qui a pâli ...Il a appelé l'hôpital et après la naissance, sous la menace de me retirer mon bébé, on m'a emmenée de force à l'hôpital. Une plainte était déposée au palais de justice et ils avaient le droit de me retirer mon bébé.
 Et là j'ai vécu, sous le couvert du pouvoir médical, des violences que je n'oublierais jamais: pas d'eau et pas de couverture la nuit, pas de possibilité d'être lavée alors que je venais d'accoucher... je n'avais pas amené mon savon et eux n'en avaient pas! Lorsque je refusais que l'on emmène mon bébé la nuit pour lui donner un biberon, l'infirmière me dit: «les femmes comme vous, on les connait, vous ne tiendrez pas longtemps». Le lendemain matin, en attendant que mon conjoint m'apporte le fameux savon et des bouteilles d'eau, je recevais la visite d'un psychiatre qui devait évaluer mon état mental. Voici sa réponse après que je lui ai expliqué ce que je subissais depuis la veille: «madame, il faut les comprendre ...». 
La seule personne humaine que je rencontrais fut le pédiatre. Il me dit en souriant: «ne vous inquiétez pas, rentrez chez vous , tout va bien, votre bébé est en pleine santé». Je dois préciser que lorsque je suis arrivée à l'hôpital, personne ne me parlait , ils m'ont pris mon bébé et lui ont donné l'injection de vitamine k, l'ont lavé sans jamais répondre à la question que je répétais sans cesse: «où est mon bébé que j'entends pleurer. Qu'est ce que vous lui faites?». Personne ne m'a jamais répondu.
Cette expérience à la fois magique et extrêmement difficile a créé le sillon de mon implication auprès des femmes. Je comprends une femme qui désire un Avac plus que tout. Je ressens la violence qui est encore parfois faites aux femmes dans les salles d'accouchement. 
Surtout, je vois la difficulté de reconnaître ce qui est si important dans un accouchement : l'état intérieur de la femme qui donne la vie, son environnement, son lien avec l'enfant, ses doutes, ses angoisses... Puisse la médecine regarder ces facteurs et leurs effets sur les hormones de l'accouchement, sur le coeur foetal, sur les hémorragies...
Je n'ai jamais encouragée une femme à accoucher seule. Il est très difficile de faire ce chemin d'écoute de soi, de ce qui est le plus juste. Si j'avais senti que la césarienne était la meilleure option, je l'aurais choisie. Accoucher n'est pas un défi mais un accompagnement conscient de l'enfant.


Notes:

(1) AVAC: Accouchement Vaginal Après Césarienne
(2) AMPRO: Approche Multidisciplinaire en Prévention des Risques Obstétricaux



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