La maternité, une aventure extraordinaire...


J'ai consacré de nombreuses années à tenter de mieux comprendre le passage de la naissance. J'ai préparé et accompagné de nombreux couples pour la naissance de leur enfant.
Peu à peu, j'ai élargi ma réflexion au vécu des femmes au cours de leurs différents passages: puberté, âge adulte, maternité, ménopause. Il est très intéressant pour les femmes de mieux comprendre ces passages de vie transformateurs et la puissance des hormones qui interagissent au cours des cycles.

Il y a eu la naissance du Centre Pleine Lune il y a déjà plus de 5 ans puis l'émergence tranquille de Ô Féminin, espace de rencontre avec la force du Féminin.

Isabelle Challut






samedi 27 novembre 2010

Retour sur Enfanter le Monde

Je rentre de Québec où, pendant 2 jours, nous avons enfanter un monde nouveau. Plus de 700 participants ont répondu à l'appel! Deux journées de conférences, ateliers, échanges autour de la naissance, des pratiques obstétricales dans notre société, de la pratique sage femme, du devenir parent, de l'allaitement. 
Des projets avant gardistes, des études revues et corrigées par des chercheurs...beaucoup de gens passionnés et investis totalement dans leur travail. C'est certainement ce qui m'a le plus touchée: avoir le privilège de rencontrer des personnes qui participent activement au mouvement d'humanisation de la naissance. Des chercheurs qui questionnent, qui sont conscients de l'impact des interventions sur la santé des mères et des bébés, des médecins, des sage femmes, des infirmières qui prennent des risques, qui prennent position dans leur milieu, qui refusent d'être menés par le peur. 
Ma tête et mon coeur ont été remplis de cette humanité. 
Il est très rare en effet d'avoir l’opportunité d'assister à un congrès multidisciplinaire d'envergure internationale, ici, au Québec. Des chercheurs, des médecins et des sages femmes d'ici et d'ailleurs (Canada, Etats-Unis, France) ont partagé leurs recherches, leur expertise, leur pratique quotidienne, leurs valeurs. Des infirmières, des psychologues, des consultantes en allaitement, des sages femmes, des médecins, des pharmaciens, des scientifiques, des travailleurs sociaux (et j'en oublie certainement!) ont animé différents ateliers. J'ai eu le privilège de faire une communication orale sur le sujet que me passionne : «comment favoriser la physiologie dans les salles de naissance».
Nous avons assisté à une conférence du Dr Goffinet, médecin obstétricien gynécologue de la maternité Port-Royal de l'hôpital Cochin de Paris qui m'a fait beaucoup de bien. Nous vivons dans un climat de peur, de risque en obstétrique et cet homme nous a parlé de sa pratique par rapport à l'accouchement des bébés qui se présentent par le siège. Actuellement, au Québec, tous les bébés en siège naissent par césarienne. Il a questionné les résultats de la fameuse étude de Mary Hannah parue dans The Lancet en 2000 car elle a entrainé l'arrêt quasi systématique de tous les accouchements de bébés en siège par voie basse et donc l'augmentation des césariennes. Sa pratique ainsi que celle d'autres maternités en France ne correspondaient pas aux pratiques décrites dans l'essai. Il a décidé d'aller plus loin, de développer sa propre étude (étude premoda  de grande envergure auprès de plus de 8000 femmes en France et Belgique) pour comparer les résultats entre la morbidité d'un accouchement par le siège et celle de la césarienne, selon les réelles pratiques hospitalières. Les résultats ont été très différents de ceux de l'essai de M. Hannah: les risques sont apparus très similaires que le bébé naisse par voie basse ou par césarienne. 
Cette rencontre avec ce chercheur a été très stimulante et rassurante. Il a encouragé nos médecins à se former pour les accouchements de bébés en siège.

Nous avons bien sûr pu écouter les sages femmes, qui parlent du sacré de la naissance, qui ont une pratique axée sur la physiologie, l'écoute de la femme, de ses besoins, de ses émotions. Nous avons eu une magnifique rencontre avec des anesthésistes qui n'ont pas minimisé les impacts de l'épidurale, qui ont recommandé d'éviter les épidurales avant 4-5 centimètres de dilatation du col à cause du risque accru de césarienne. Dr Bolduc a constaté l'importance des épidurales dans une société où l'accouchement et sa douleur ont perdu leur sens: ainsi la porte est ouverte aux multiples interventions pour ne rien sentir, pour que ça aille vite.

 Nous avons entendu les infirmières et omnipraticiens qui cherchent à transformer leur pratique mais qui manquent de personnel, qui n'ont pas de bugdet pour les formations etc. Nous avons constaté la lenteur des changements recommandés en milieu hospitalier: passer par exemple du monitoring foetal continu à l'écoute intermittente du coeur foetal car elle diminue les risques pour la mère en favorisant sa mobilité. Mais de nombreux hôpitaux continuent de monitorer les femmes en continu pendant les accouchements...

Je ne peux résumer 2 jours entiers de transmission de savoirs et de réflexions mais je peux remercier la conscience et l'intelligence des professionnels et chercheurs qui étaient présents.





samedi 20 novembre 2010

La voix de nos enfants

 Après avoir écouté cet extrait du discours de Severn Suzuki au sommet de la Terre à Rio en 1992, j'ai été très touchée par sa conscience, sa capacité de dire clairement aux adultes ce qu'elle vit, sa réflexion, son analyse  de la situation planétaire.



Elle m'a émue car elle me révèle une fois de plus l'importance d'écouter les jeunes et leur conscience (que  nous, adultes, pouvons facilement ne plus écouter). Leur capacité de ressentir, de rechercher la vérité est intacte. Trop souvent, nous les faisons taire pour qu'ils NOUS écoutent. 
Mes enfants m'ont appris à LES écouter. Je suis très reconnaissante car je me suis transformée grâce à eux. J'ai changé mon regard, mes habitudes sur de nombreux sujets, sur la notion de «normalité» entre autres. Ils m'ont ramenée à l'essentiel, à la vraie vie, à la conscience.
Dans notre société, on nivelle, on veut que nos enfants soient DANS les rangs (tout comme les adultes) et si l'un d'eux a un comportement moindrement dérangeant, on lui donne une pilule. 

Ma fille m'a transmis des études qu'elle lit pour son cours à l'université. En voici un court extrait:
«Il existe une symétrie déconcertante entre le Prozac et la Ritaline. Le premier est prescrit pour les femmes déprimées manquant d'estime de soi : il leur donne davantage de sentiment du mâle alpha qui accompagne les hauts niveaux de sérotonine. La Ritaline, de son côté, est largement administrée aux jeunes garçons qui ne veulent pas rester tranquilles en classe, parce que la nature ne les a jamais programmées à cette fin. D'un côté comme de l'autre, les deux sexes sont ainsi orientés vers une personnalité androgyne moyenne, satisfaite d'elle-même et socialement conciliante c'est-à-dire le courant "politiquement correct" de la société américaine moyenne.» (1)
 Nous pouvons aussi faire demi-tour (comme je le suggérais la semaine dernière), nous remettre à l'écoute de nos enfants.  Profitons de la présence d'un enfant différent, semblant plus exigeant, rebelle, ne rentrant pas dans le moule...Il va nous amener à l'essentiel:  passer du temps avec, faire des choix adéquats pour lui, arrêter de courrir et de manquer son enfance ou son adolescence. 
Surtout, il va nous montrer que la norme n'existe pas. On a à réapprendre à accueillir nos enfants, les ÉCOUTER,  les reconnaître dans leur spécificité. 

Et alors, la rencontre est belle, pleine d'amour et de partage.

Jean Paul Naud, réalisateur, vient de sortir le film: «Severn, la voix de nos enfants». 
On va retrouver Severn à 29 ans, enceinte. http://www.severn-lefilm.com/bande_annonce.html



(1)Francis Fukuyama, La fin de l'homme Les conséquences de la révolution biotechnique, Paris, Gallimard, 2004 p. 101-102.
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Référence : «Médicaments et performance humaine, thérapie ou dopage» Joël Monzée, docteur en neurosciences et professeur associé au département de pédiatrie de l'université de Sherbrooke, chercheur et fondateur de L'institut du développement de l'enfant et de la famille. (lien sur le blog)

samedi 13 novembre 2010

Vivre et revivre

Chaque fois que je parle de ce qu'une femme vit en accouchant, je réalise que cette expérience porte toutes les expériences. Accoucher, c'est accueillir son enfant inconditionnellement, c'est s'ouvrir à l'amour; c'est lâcher prise, vivre le moment présent, arrêter de penser, de vouloir...sinon, les processus s'arrêtent. On ne peut pas se mentir car si la tête cherche à contrôler, si le mental s'active, la douleur augmente et parfois les contractions s'arrêtent. Il faut une intervention extérieure à moins de lâcher prise.

 Jamais on ne m'avait dit que j'avais la possibilité de me transformer à ce point, d'être initiée en accouchant si je me permettais de vivre ce moment totalement dans le présent, unie à mon enfant, sans me laisser perturber par  mon environnement. C'est plus puissant que n'importe quel atelier de développement personnel!

Et puis il y a la maladie qui peut aussi nous amener dans cet espace. Si on accepte de vivre la maladie avec ce qu'elle a à nous apprendre, je crois qu'elle aura alors un grand pouvoir transformateur. Guy Corneau, dans son dernier livre «Revivre», nous transmet son vécu avec le cancer. Même si en apparence, il était comblé par la réussite, il avait besoin de redonner de la place à sa vraie passion. Besoin de s'écouter, de vivre certaines expériences pour lui, sans chercher à plaire.Ce qu'il a fait à partir de sa maladie.

Et je regarde ma mère, opérée pour un cancer ce printemps qui s'est transformée sous nos yeux: lumineuse, profitant de chaque moment, refusant dorénavant tout stress inutile, guidant tout son petit monde vers la VIE, vers la joie de chaque instant, vers l'amour qui nous unit.
Elle a décidé de s'écouter, de méditer, de choisir son alimentation, d'avoir des thérapeutes qui la suivent dans ses choix et qui ne la jugent pas. Elle a refusé de se laisser avoir par le Peur. Elle est radieuse, en pleine forme et vit chaque instant dans la joie d'être là tout simplement.

S'écouter, vivre ce qu'on a à vivre sans savoir où l'expérience va nous mener. 

Les femmes qui plongent dans leur accouchement sans attente n'ont aucune certitude car elles ont compris que c'est le vécu de l'expérience, unies à leur enfant qui est important. 

Ma mère n'a aucune certitude non plus, mais elle sourit à la vie. 



Références
Guy Corneau, Revivre, Les Éditions de L'Homme, 2010
Isabelle Challut, La maternité au féminin, Éditions L'Instant Présent, 2007

samedi 6 novembre 2010

Faire demi- tour

J'ai décidé il y a quelques années d'accompagner les femmes qui accouchent en milieu hospitalier pour les aider, pour transformer leur expérience, leur expliquer leurs droits et travailler avec les équipes, amener des changements au niveau des mentalités et des pratiques...Infirmière depuis plus de 20 ans, ma carrière en milieu hospitalier a été  parsemée d'embûches et plutôt chaotique: j'ai travaillé en France, dans différentes régions, en Suisse puis au Québec. Entre temps je suis allée voir ce qui se passait en Polynésie et dans les Antilles...je n'ai pas trouvé le milieu de santé idéal, où je me sentais bien, à ma place, pouvant prendre le temps, travailler réellement au niveau de la santé et de façon globale. Mon expérience en Suisse fut la plus sereine mais ailleurs, le stress, la course au temps, la surcharge était généralisés. 

Me retrouver en milieu hospitalier pour des accompagnements, me demande toujours une adaptation. Parce que, comme infirmière, je me suis toujours questionnée sur nos pratiques médicales, sur les choix réels des patients ou des femmes qui accouchent. En vivant dans différents pays, j'ai aussi pu constater que chaque peuple a ses croyances et ses protocoles, très différents parfois. Ce qui est «normal» à l'est ou au sud, ne l'est pas forcément à l'ouest ou au nord. C'est intéressant de regarder nos comportements et nos choix de santé dans cette lorgnette  plus large. 

Pourtant je crois à l'ouverture de conscience et aux changements possible: c'est ce qui me pousse à continuer. Le milieu médical a un grand pouvoir et encore actuellement, la méconnaissance des processus physiologiques de base dans un accouchement, les multiples interventions jugées sans conséquences, l'environnement invasif et dérangeant continue de perturber les processus des accouchements.
Même si aucune étude internationale n'a pu prouver que l'accouchement en milieu hospitalier est plus sécuritaire que l'accouchement à domicile, nos spécialistes de l'obstétrique nord américains continuent d'affirmer le contraire. Les Pays Bas, eux,  ont choisi de «normaliser» l'accouchement à domicile avec plus de 30% des femmes suivies par des sages femmes et accouchant chez elles.
« les Pays-Bas ont le plus haut pourcentage de naissances à la maison parmi les pays développés », déclare Sjaak Toet, accoucheur à Rotterdam et président de l’association néerlandaise des sages-femmes (KNOV). Quelque 30% des Néerlandaises accouchent à domicile, 60% à l’hôpital, et les 10% restants dans des polycliniques spécialisées qu’elles quittent immédiatement après avoir accouché. (1)
Dr Michel Odent, chirurgien à l'hôpital Pihiviers en France, puis responsable de l'unité d'obstétrique dans cet hôpital, a transformé la pratique de l'obstétrique en introduisant les piscines d'accouchement dans les salles de naissance dès 1970. Il est l'auteur de 12 livres publiés en 22 langues et a fondé le Primal Health Center (2) à Londres. 
Il s'intéresse depuis toutes ces années à la période autour de la naissance et à l'impact des dérangements et interventions pendant l'accouchement et juste après la naissance. Il décrit dans ses livres l'importance de ne pas déranger une femme en travail et de ne pas perturber la rencontre entre la mère et son bébé naissant. C'est à l'heure actuelle, la période que l'on perturbe le plus en milieu hospitalier: les femmes sont coachées pour pousser, il y a beaucoup de monde dans la salle à ce moment là et lorsque le bébé naît, il y a toujours beaucoup d'excitation et de bruit. «Tout le monde se met à parler...ce sont les grandes causes d'hémorragie...pour moi, une hémorragie de la délivrance, c'est pratiquement toujours la conséquence d'une interférence inapropriée, on a distrait, on est intervenu...cela fait plus de 25 ans que je n'ai pas vu d'hémorragie de la délivrance; je n'ai jamais utilisé un seul médicament pour cela...» Michel Odent (3)

Il y a encore beaucoup d'enseignement à faire pour sortir de la peur et laisser  les femmes accoucher selon leurs réels besoins. Peut être que l'obstétrique a à faire demi-tour pour retrouver le bon chemin (suggestion du Dr Michel Odent dans le film «The Business Of Being Born»).

Méditons là dessus.

Nous aurons la joie de recevoir Dr Michel Odent à Montréal les 16 et 17 mai 2011 pour une conférence «La Naissance: de la physiologie à la pratique » et un atelier « Vie foetale, naissance et santé». Suivez les nouvelles de Pleine Lune à ce sujet.

Références:
(1) extrait du site [www.babyfrance.com¸]
(2) http://www.primalhealthresearch.com/
(3) extrait d'un entretien avec Dr Michel Odent paru dans le livre Intimes Naissances - la plage Éditeur - 2008